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Publications Janvier 2019

Les délais de recours entre constructeurs

La Cour de cassation précise les délais de prescription dans les recours entre constructeurs.

par Maître Alysée BECUWE

En matière de construction, le délai dit « d’épreuve » est fixé à dix années.

Ainsi, le maître de l’ouvrage dispose de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage pour engager la responsabilité des constructeurs (articles 1792 et 1792-1 du Code civil), au titre de la responsabilité décennale (article 1792-4-1 du Code civil) mais également de la responsabilité contractuelle de droit commun (article 1792-4-3 du Code civil).

Cette uniformisation des délais résulte de la réforme sur la prescription du 17 juin 2008 et a notamment pour objectif de voir toutes les actions en responsabilités dirigées contre les constructeurs par le maître de l’ouvrage circonscrites dans un délai de dix ans.

Pour autant, les recours entre constructeurs ne sont pas quant à eux limités par ce délai.

En effet, la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur cette question et a statué en disposant que « le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n’est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi délictuelle s’ils ne le sont pas, de sorte que le point de départ du délai de cette action n’est pas la date de réception des ouvrages ».

(Cass. Civ. 3ème, 8 février 2012, n°11-11.417)

Cet arrêt se fondait alors sur les dispositions des articles 2270 du Code civil et L.110-4 du Code de commerce, avant la réforme du 17 juin 2008.

La jurisprudence avait déjà établi que « les personnes responsables de plein droit en application des articles 1792 et suivants du code civil, lesquelles ne sont pas subrogées après paiement dans le bénéfice de cette action réservée au maître de l’ouvrage et aux propriétaires successifs de l’ouvrage en vertu des articles précités, ne peuvent agir en garantie ou à titre récursoire contre les autres responsables tenus avec elles au même titre, que sur le fondement de la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports ».

(Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2011, n°09-69.894)

La Cour de cassation vient rappeler ces précisions sur les actions possibles entre constructeur dans son arrêt du 16 janvier 2020.

(Cass. Civ. 3ème, 16 janvier 2020, n°18-25.915)

En l’espèce, une opération de construction a été réalisée par un architecte (M.X) avec l’intervention d’un carreleur (M.Y) assuré auprès de la société MAAF.

Les travaux ont été réceptionnés le 23 décembre 1999.

Ainsi, le délai d’épreuve expirait au 24 décembre 2009.

Se plaignant de désordres, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble assignait M. X le 17 décembre 2009, M.Y le 28 décembre 2009 et la société MAAF le 25 janvier 2010 afin d’obtenir la désignation d’un expert.

Par la suite, le Syndicat des copropriétaires assignait M.X en indemnisation par acte en date du 11 décembre 2013.

M.X appelait alors en garantie M.Y et son assureur la société MAAF par actes des 10 et 12 juin 2014.

La Cour d’appel de Riom statuait en déclarant l’action en garantie prescrite sur le fondement de l’article 1792-4-3 issu de la loi du 17 juin 2008 considérant que la prescription de dix ans posée par cet article trouvait à s’appliquer aux recours entre constructeurs.

La Cour de cassation vient censurer cet arrêt en rappelant sa jurisprudence et notamment que « le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable » et « qu’une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas ».

La Cour explicite ensuite sa décision en rappelant que « le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil ; qu’il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Pour enfin retenir que le point de départ de l’action en garantie du constructeur contre un autre constructeur était fixé à la date de l’assignation en référé-expertise délivrée par le Maître de l’ouvrage en vue de mettre en cause la responsabilité de l’entrepreneur.

Ainsi, si la réforme de la prescription du 17 juin 2008 visait à uniformiser les délais, notamment en calquant le délai de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs au délai de responsabilité décennale, et de même s’agissant de l’action à l’encontre des sous-traitant ; la Cour de cassation vient opérer, et surtout rappeler en l’actualisant, la distinction entre les actions initiées par le Maître de l’ouvrage et les actions entre constructeurs.

Cette distinction permet au constructeur responsable de ne pas forcément être engagé seul à indemniser les désordres lorsque lui-même est assigné en limite de garantie décennale, cette jurisprudence lui accordant finalement un délai subséquent de cinq ans afin d’être garanti par d’autres constructeurs responsables également.

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